Si j’évoque mes quatre années à la présidence de l’ACTS, certains thèmes dominent : l’énorme volume des obligations à acquitter, les dilemmes, les défis à relever et les moments qui m’ont permis de réaliser l’importance de notre travail. La tâche de présidente avait beaucoup de choses en commun avec la pratique du travail social : il me fallait abattre une grande quantité de travail dans un temps trop court et avec des ressources limitées; mais de temps à autres, une lueur de changement ou la promesse de résultats positifs venaient me motiver. J’ai vécu plusieurs expériences inoubliables; certaines en raison de leur caractère exceptionnel et d'autres en raison de leur profondeur. Je vous fais part de quelques-unes d'entre elles en tentant de mettre en lumière certains événements qui se sont produits au cours de mon mandat et qui font partie des 80 ans d’histoire de l’ACTS.

J'ai vécu de nombreux et courts moments de désespoir et de déception au cours de mon mandat, mais peu d'entre eux me reviennent clairement à l’esprit. Toutefois, un de ces moments est plus clair : le retrait de l’Ordre professionnel des travailleurs sociaux du Québec de l’ACTS. Les événements ayant entraîné ce dénouement ont été pénibles et la séparation qu’ils ont entraînée a été douloureuse, tant pour notre organisation que pour les personnes qui étaient parvenues à tisser des liens de collaboration chaleureux au fils de nombreuses années. Les valeurs et le mandat qui constituaient les fondements de l’ACTS ne parvenaient pas à combler les attentes de l’organisme québécois. Les discussions entourant cet état de choses et le dénouement qui s’en suivit représentent certains des aspects les plus difficiles de la gestion d'un organisme national.

Nombre de bon souvenirs me viennent à l’esprit, le premier étant le discours que j’ai prononcé dans l’édifice de l’ONU à New York. J’y ai présenté une allocution comme membre d’un panel dans le cadre de la Journée du service social des Nations-Unies. Je me rappelle m’être tenue sur l’estrade pendant que les travailleurs sociaux prenaient place dans la salle et avoir pensé à mes parents en me demandant ce qu’ils penseraient de moi s’ils étaient vivants et informés du fait que je m’adressais à une réunion des Nations-Unies! Je n’aurais jamais imaginé pouvoir un jour jouir d'un privilège semblable dans un tel cadre. Cette expérience m’a aussi amenée à prendre conscience des nombreux liens que l’ACTS a su tisser, du respect dont elle jouit et de l’influence qu’elle exerce. Au moment de notre visite, les États-Unis venaient d'envahir l’Iraq et nous sentions tous le besoin d'accentuer l’importance de trouver des moyens pacifiques et proactifs de donner un sens à nos vies et à celle des populations auprès desquelles nous oeuvrons.

Un autre moment m’a marquée; il s’agit d’une conversation d’une trentaine de secondes que j’ai eue lors de la conférence nationale de Moncton (Nouveau-Brunswick). Je me tenais dans la salle pendant que les gens quittaient à la fin de la conférence; c’est alors qu’une participante est venue à moi pour me confier à quel point elle était heureuse d'y avoir participé. Elle m’a expliqué, qu’au moment de se présenter à la conférence, elle était désabusée du service social et qu’elle avait songé à tout laisser tomber; mais, ce jour là, elle se sentait dynamisée et prête à reprendre son travail avec une énergie nouvelle. J’étais si heureuse d'avoir contribué à un événement qui avait fait une telle différence pour une collègue. 

Mes deux voyages dans le Nord canadien occupent une place de choix dans mes souvenirs. J’y ai côtoyé des travailleurs sociaux qui doivent composer quotidiennement avec les difficultés que posent l’isolement, les conditions climatiques pénibles, les ressources limitées et les problèmes complexes que vivent les Autochtones; à leur contact, j’ai pu envisager l’avenir de notre profession avec beaucoup d'espoir. Les travailleurs sociaux du Nord m’ont amenée à penser à l’énergie qui découle de la coopération, à l’essence du service social et à l’importance de l’engagement envers la profession. J’en suis revenue avec un respect encore plus profond pour la capacité de quelques personnes dévouées de surmonter les difficultés et de contribuer à faire une différence dans leur collectivité.

Au cours de ma présidence, nous avons continué à bâtir notre relation avec la National Association of Social Workers (États-Unis). J’ai conservé de très beaux souvenirs de mes rencontres avec les représentants de cette organisation, notamment ses présidents et son directeur général. Malgré que nos associations soient très différentes quant à leur taille et leur capacité, nous sommes parvenus à trouver des moyens significatifs de collaborer et d'établir des relations qui devraient durer pour de nombreuses années à venir. Ce fut merveilleux de participer aux négociations qui se sont soldées par l’adoption d’un protocole d’entente entre nos deux associations.

Ces expériences revêtent un caractère special parce qu’elles correspondent à des moments plutôt hauts en couleur. Mais je n’oublie pas pour autant les nombreuses conversations intenses et profondes que j’ai eues avec les membres du conseil d'administration de l’ACTS, les présidents des associations provinciales, et des collègues de partout aux pays. Nous avons échangé dans le cadre de réunions, d'ateliers, de conférences et de consultations, et toutes ces conversations ont contribué à l’avancement de notre profession et à l’atteinte de nos objectifs. Celles qui m’auront le plus marquée sont peut-être celles que j’ai eues avec notre directrice générale, Eugenia Moreno, dans des autobus, des taxis et des avions ou alors que nous causions dans une chambre d'hôtel, à l’aéroport, au restaurant ou dans une salle de réunion. Nos discussions étaient centrées sur l’analyse des enjeux et des difficultés qui confrontent notre profession et les personnes que nous desservons, de même que sur les moyens d'y réagir; ce furent là des moments où nous avons mis nos connaissances et nos habiletés à contribution afin d'élaborer des stratégies qui contribueraient à l’avancement de l’ACTS d'une manière qui répondrait aux attentes de nos organisations membres et de la population canadienne. Même si ces moments ont été presque imperceptibles, ils resteront gravés dans ma mémoire comme des moments où je sentais que je me consacrais vraiment à la tâche de présidente de l’ACTS et où je faisais ma contribution personnelle.

Ellen Oliver