Contribution à la consultation sur la
Loi sur les soins de longue durée sécuritaires
Résumé
L’Association canadienne des travailleuses et travailleurs sociaux (ACTS) est ravie de contribuer à la consultation pour l’élaboration d’une Loi sur les soins de longue durée sécuritaires. Cette démarche gouvernementale nous enthousiasme, et nous espérons qu’elle contribuera à l’amélioration du secteur des soins de longue durée au Canada.
Pour situer notre rôle, l’ACTS est la voix nationale du travail social au Canada. Elle a pour vocation non seulement de valoriser la profession, mais aussi de militer en faveur de la justice sociale. En tant que profession ancrée dans les valeurs de justice sociale, l’ACTS prône la dignité, la valeur et le respect intrinsèques de chaque personne.
Les travailleuses et travailleurs sociaux sont au cœur des soins de longue durée (SLD). Durant la pandémie de COVID-19, nous avons été témoins des conséquences tragiques sur les SLD à travers tout le Canada[1]. Hélas, nombre de ces problématiques existaient bien avant la pandémie, ce qui nous rappelle l’impératif d’une refonte profonde pour améliorer la situation.
Les SLD se doivent d’adopter une vision globale pour répondre à tous les besoins des résidentes et résidents, qu’ils soient physiques, nutritionnels, psychosociaux, culturels, spirituels ou récréatifs. Une telle vision est essentielle pour garantir leur bien-être mental et physique et pour enrichir leur qualité de vie. Les travailleuses et travailleurs sociaux en SLD ont un champ d’action vaste. Ils s’attellent à aborder de manière proactive les déterminants sociaux de la santé pour chaque résidente et chaque résident. Ils possèdent cette aptitude singulière à voir et à respecter la personne dans sa globalité, en considérant tous les aspects de ses soins et de sa situation, pour atteindre une qualité de vie idéale.
Les SLD requièrent une équipe interprofessionnelle soudée, capable de répondre à tous les besoins des résidentes et résidents. Au sein des établissements de SLD, les travailleuses et travailleurs sociaux travaillent main dans la main avec d’autres professionnels au sein d’une équipe interdisciplinaire harmonieusement coordonnée. Forts de leur expertise, et en tant que principaux prestataires réglementés de soutien en santé mentale au Canada[2], les travailleuses et travailleurs sociaux sont essentiels à l’amélioration du bien-être et de la qualité de vie des résidentes et des résidents. Ce modèle de soins met en lumière le besoin manifeste d’accroître le nombre de travailleuses et travailleurs sociaux au sein des SLD.
Les recommandations qui suivent esquissent les modifications et les initiatives que le gouvernement fédéral devrait intégrer dans la Loi sur les soins de longue durée sécuritaires. Nous tenons à exprimer notre gratitude envers Santé Canada pour les efforts déployés jusqu’ici et pour la prise en compte des recommandations et observations présentées ci-après.
Optimiser le rôle du travail social dans les soins de longue durée
La qualité de l’expérience vécue par les résidentes et résidents en SLD est fortement influencée par la dotation. La pandémie de COVID-19 a cruellement mis en lumière les carences en personnel dans le secteur des soins de longue durée, à tel point qu’il est désormais impensable de les négliger. Il est urgent de trouver des solutions concrètes pour redéfinir la direction prise par les établissements de SLD à travers le pays, en plaçant les résidentes et résidents au cœur des préoccupations. L’étude menée en Ontario sur la dotation en personnel des soins de longue durée a montré que les niveaux de personnel et de formation n’ont pas évolué au même rythme que la croissance et la demande en soins de longue durée. Cette situation a généré des conditions de vie et de travail précaires, tant pour le personnel que pour les résidentes et résidents[3]. Cette constatation vaut pour tous les établissements de SLD dans chaque province et territoire.
Pour garantir aux résidentes et résidents les soins qu’ils requièrent et méritent, nous recommandons que chaque foyer de SLD dispose d’au moins une travailleuse ou un travailleur social, pleinement intégré à l’équipe de soins. Les travailleuses et travailleurs sociaux offrent une vaste gamme de soins et de services, ce qui les rend parfaitement adaptés à l’environnement des SLD. Ils sont présents pour les résidentes, les résidents et leurs familles, veillant à leur santé mentale et à leur bien-être, tout en les guidant à travers le système de soins de santé.
Les travailleuses et travailleurs sociaux sont des professionnels hautement compétents en santé mentale et représentent le pilier des soins psychosociaux (incluant le soutien en santé mentale) au sein des SLD. Leur rôle englobe la réalisation d’évaluations psychosociales, la fourniture de conseils individuels et de groupe, la gestion des comportements réactifs des résidentes et résidents par des approches non médicamenteuses, l’accompagnement face à la détresse des aidants, et la contribution aux soins palliatifs et de fin de vie axés sur la personne.
De plus, au sein de l’équipe interdisciplinaire des SLD, les travailleuses et travailleurs sociaux se distinguent par leur expertise en matière de navigation dans le système. Ils sont capables de diriger les résidentes et résidents vers les soins appropriés au moment opportun, optimisant ainsi le processus et permettant à ces personnes d’accéder plus rapidement à l’assistance nécessaire. Les travailleuses et travailleurs sociaux s’engagent à privilégier l’intérêt de la résidente ou du résident, tout en créant un environnement qui le soutient et valorise sa dignité.
Des études ont montré que l’augmentation du nombre de travailleuses et travailleurs sociaux au sein des équipes de soins interdisciplinaires améliore la qualité de vie des résidentes et résidents. Elle permet également de réduire les comportements réactifs et la prescription de médicaments antipsychotiques. C’est donc un investissement en ressources humaines des plus judicieux pour rehausser la qualité des soins.[4]
Malheureusement, malgré leur importance, les travailleuses et travailleurs sociaux sont souvent sous-représentés dans les SLD. Lorsqu’ils sont présents, ils sont souvent submergés par une charge de travail excessive, due à un manque de personnel. De plus, ils se voient confier des tâches qui ne correspondent pas nécessairement à leur expertise. Cette situation affecte directement leur capacité à fournir des soins psychosociaux et de santé mentale de manière proactive aux résidentes, aux résidents et à leurs aidants ou aidantes. Pour maximiser leur contribution et améliorer la qualité des soins offerts, il est crucial d’assurer une représentation suffisante des travailleuses et travailleurs sociaux dans les équipes des SLD. Il est tout aussi essentiel de leur permettre d’exercer pleinement leur profession au sein de ces structures.
Réaliser une étude sur le personnel de santé et encourager le travail dans le domaine des soins de longue durée
Afin d’avoir une compréhension exhaustive de la main-d’œuvre dans le secteur des soins de longue durée, nous exhortons vivement le gouvernement à concevoir et à financer une étude approfondie portant sur les données de la main-d’œuvre dans le domaine de la santé. Cette étude devrait englober des informations spécifiques sur les travailleuses et travailleurs sociaux ainsi que sur les établissements de soins de longue durée. L’ambition de cette recherche serait de quantifier le nombre de travailleuses et travailleurs sociaux œuvrant dans diverses situations à travers le Canada. Elle viserait également à évaluer combien de travailleuses et travailleurs sociaux seraient nécessaires au sein des équipes médicales des SLD pour réaliser l’objectif d’avoir au moins une travailleuse ou un travailleur social dans chaque établissement de SLD.
La pandémie de COVID a malheureusement entaché l’image du secteur des SLD, rendant de nombreux potentiels employés réfractaires à l’idée de rejoindre un tel établissement. Pour inverser cette tendance, nous pressons le gouvernement d’encourager les travailleuses et travailleurs sociaux, ainsi que d’autres professionnels du continuum des soins, à envisager une carrière au sein des foyers de SLD. Il est primordial que ces établissements offrent un environnement de travail inclusif, sécurisé, soutenant le bien-être et la santé mentale de leurs employés, tout en proposant des opportunités de formation et de développement professionnel. Afin de garantir un environnement de travail sain, nous conseillons vivement au gouvernement d’investir dans les foyers de SLD partout au Canada. Il est essentiel de leur fournir les ressources nécessaires pour adopter et respecter les directives stipulées dans les normes des Services de soins de longue durée de l’Organisation de normes en santé.[5].
Les données dans les soins de longue durée
Si la collecte de données dans les SLD peut sembler être un « plus », l’analyse de ces données a des conséquences concrètes et palpables, pouvant servir à perfectionner le système et la qualité des soins offerts aux résidentes et aux résidents. En partageant leurs données médicales, les établissements de SLD peuvent aider à mettre en lumière les disparités en matière de santé, offrir aux équipes médicales une vision complète de la santé des résidents et définir les méthodes les plus bénéfiques. Il est essentiel que ces données soient exhaustives, standardisées et qu’elles reflètent les besoins, les atouts et les préférences des résientes et résidents des SLD.
Nous sommes enthousiastes face aux avancées des accords bilatéraux entre les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux en matière de données de santé standardisées et d’outils numériques. Nous espérons vivement que des investissements supplémentaires seront consacrés à l’infrastructure des données de santé. Bien que les prestataires de soins de santé soient favorables au partage d’informations de santé sous forme électronique, l’adoption concrète de cette infrastructure demeure modeste sur le terrain[6].
Travailler ensemble sur les besoins en soins de longue durée des populations autochtones
L’Assemblée des Premières Nations (APN) a vigoureusement défendu l’allocation de fonds aux Premières Nations pour la création et la gestion d’établissements de soins de longue durée. Comme le souligne l’APN : « Beaucoup parmi la génération actuelle des aînés des Premières Nations ont été forcés dans leur jeunesse de quitter leurs communautés pour intégrer les pensionnats indiens. Obliger, une fois de plus, les aînés des Premières Nations à quitter leurs communautés pour bénéficier de soins palliatifs, de fin de vie ou de longue durée à ce stade de leur existence est d’une insoutenable cruauté. »[7]
Nous exhortons vivement le gouvernement à collaborer étroitement avec les communautés autochtones afin d’élaborer un nouveau cadre pour les soins de longue durée dédiés à ces populations, comme promis dans le programme électoral du Parti libéral du Canada de 2021. Ce cadre doit être adapté aux besoins spécifiques des peuples et des communautés autochtones du Canada. Il est également impératif d’y intégrer des ressources permettant aux populations autochtones de vivre et de vieillir dans leur environnement, quel que soit leur lieu de résidence.
Conclusion
L’ACTS est ravie de prendre part à cette consultation concernant la Loi sur les soins de longue durée sécuritaires. Nous sommes optimistes face à la coopération entre les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux dans le but d’améliorer la qualité, la sécurité, l’équité et l’accessibilité des SLD.
Cette législation pourrait représenter une avancée significative pour la population canadienne. Afin de perfectionner le secteur des SLD, l’ACTS espère que le gouvernement fédéral inclura les travailleuses et travailleurs sociaux dans les discussions. Ces professionnels ont un rôle singulier à jouer en tant que garants des soins, guidant les résidentes et résidents vers les services dont ils ont besoin au moment opportun, tout en simplifiant et débarrassant le processus de toute complexité superflue. Pour ce faire, il est essentiel que les travailleuses et travailleurs sociaux bénéficient des ressources adéquates, les incitant à s’engager dans le secteur des SLD et à encourager d’autres à les suivre.
Il est également primordial que la législation précise le financement envisagé et la manière dont il sera alloué aux domaines prioritaires des SLD. L’ACTS attend avec enthousiasme la présentation au Parlement de la Loi sur les soins de longue durée sécuritaires.
[1] Institut canadien d’information sur la santé. (2021). Incidence de la COVID-19 sur les soins de longue durée. Extrait du site web de l’Institut canadien d’information sur la santé : https://www.cihi.ca/en/covid-19-resources/impact-of-covid-19-on-canadas-health-care-systems/long-term-care
[2] Institut canadien d’information sur la santé. (2022). Les effectifs du secteur de la santé au Canada, de 2017 à 2021 : Vue d’ensemble — Tableaux de données. Extrait de https://www.cihi.ca/en/health-workforce-in-canada-overview
[3] Ministère des soins de longue durée de l’Ontario. (2020). Étude sur la dotation en personnel pour les soins de longue durée. Extrait du site web du gouvernement de l’Ontario : https://files.ontario.ca/mltc-long-term-care-staffing-study-en-2020-07-31.pdf
[4] Restorick Roberts, A., Smith, A.C. & Bowblis. J.R. (2019). Impact of social service staffing on nursing home quality and resident outcomes. Récupéré de https://sc.lib.miamioh.edu/bitstream/handle/2374.MIA/6299/Roberts-Impact-Social-Service-Staffing-%2001-2019%20.pdf?sequence=4&isAllowed=y
[5] Organisation de normes en santé. (2023). Long-Term Care Services. Extrait du site web de l’Organisation de normes en santé : https://healthstandards.org/standard/long-term-care-services-can-hso21001-2023-e/
[6] Institut canadien d’information sur la santé. (2023). Le pouls des soins de santé : Un aperçu de la situation au Canada, 2023. Extrait du site web de l’Institut canadien d’information sur la santé : https://www.cihi.ca/en/taking-the-pulse-a-snapshot-of-canadian-health-care-2023
[7] Assemblée des Premières Nations. (2017). Le programme de transformation de la santé des Premières Nations. Tiré du site web de la Southern Chiefs' Organization : https://scoinc.mb.ca/wp-content/uploads/2021/06/FNHTA-AFN-wcag.pdf